2008-12-13 : Le calvaire des clients Kaupthing - Le Soir 13-12-2008 page 50

DEPUIS le 9 octobre dernier,
leurs comptes en banque
sont désespérément bloqués.
Un client sur trois a déjà demandé
à être remboursé.
Les autres attendent
des jours meilleurs.

Les clients belges et luxembourgeois
de Kaupthing n’en peuvent
plus d’attendre. Cela fait
des semaines qu’ils patientent,
dix exactement. Et cela fait des
semaines qu’on leur fait miroiter la reprise
« imminente » de leur banque. Ce 13
décembre, cela fait 66 jours que leurs
comptes courants, comptes d’épargne et
comptes-titres sont bloqués. Seule une
reprise de la banque pourrait mettre un
terme à leur calvaire…
On n’y est pas encore, même si une offre
d’un consortium emmené par le
fonds Libyan Investment Authority
(LIA) tient toujours la corde (Le Soir du
10/12) auprès des administrateurs provisoires
luxembourgeois. D’après le ministre
luxembourgeois du Trésor et du Budget
Luc Frieden interrogé mercredi dernier
au parlement grand-ducal, cet accord
« a 50 % de chances d’aboutir ».
Mais cet accord nécessite aussi le feu
vert d’une quinzaine de créanciers, ce
qui n’est pas encore le cas. La branche
belge ferait partie du lot mais intéresse
d’autres repreneurs.
La branche belge n’est en effet qu’une
succursale de la banque luxembourgeoise,
ce qui pose un problème de garantie.
Si en Belgique cette garantie a été portée
à 100.000 euros avec effet rétroactif, au
Grand-Duché, elle ne s’élève toujours
qu’à 20.000 euros.
En attendant, les clients de la banque
islandaise, qui offrait à une époque
6,26 %sur son carnet d’épargne, ne peuvent
que prendre leur mal en patience.
Mais tous ne sont pas logés à la même
enseigne…
Pour ceux qui ont placé moins de
20.000 euros sur leur(s) compte(s), l’espoir
d’être remboursés se précise même
si l’attente peut être longue. L’Association
de garantie des dépôts Luxembourg
(AGDL) traite en effet les dossiers par ordre
chronologique et à raison d’un peu
plus de 100 par jour contre 200 annoncés
au départ. Et comme plus de 7.000
demandes « belges » ont été introduites
à ce jour, certains devront encore attendre
plusieurs semaines avant de revoir
leurs sous.
Pour ceux qui avaient placé plus de
20.000 euros chez Kaupthing, c’est une
autre paire de manches. Et ils sont nombreux.
Nous en avons retrouvé quelquesuns,
des particuliers pour la plupart
mais aussi des entreprises, des ASBL ainsi
qu’un célèbre restaurant bruxellois.
Pour d’évidentes raisons, la plupart ont
requis l’anonymat. Certains ont toutefois
accepté de parler à découvert.
C’est le cas de l’ASBL « Les Sentiers »,
qui a déposé près de 500.000 euros sur
un compte courant de Kaupthing. Il
s’agit en fait d’un compte dit « de réserve
» qui était destiné à faire face à de
grosses dépenses ponctuelles ; pour le
paiement des primes de fin d’année du
personnel, par exemple. « C’était une
des rares banques qui rémunérait les
comptes courants », nous a précisé le directeur
Luc Somers.
Active dans le secteur de l’aide à la jeunesse,
l’ASBL héberge une quarantaine
de jeunes en difficulté sur trois sites
dans et autour de Bruxelles sous forme
de « projet pédagogique particulier ».
Appelée à la base « Home Edouard Empain
», elle est subsidiée par la Communauté
française et emploie une trentaine
de personnes. Comme beaucoup d’autres,
l’ASBL était cliente chez Robeco
avant son rachat – en novembre 2007 –
par Kaupthing.
« Nous avons toujours géré nos comptes
sérieusement. On ne s’attendait pas à
cela et je suis abasourdi par ce qui nous
arrive, parce que nous n’avions pas imaginé
une chose pareille. Après coup, je me
dis que j’aurais dû être plus attentif à certains
détails. Le plus dur, c’est cette longue
attente qui ne semble pas avoir de
fin. Cette incertitude nous pose beaucoup
de problèmes de gestion évidemment
», poursuit Luc Somers.
L’association a encore de la chance
dans son malheur… En effet, elle est quasi-
propriétaire de ses bâtiments dont elle
doit encore rembourser quelques traites
à une Fondation. « Elle nous a heureusement
accordé un délai », précise
M. Somers. Et l’ONSS, consciente de la
situation particulière, a également accepté
un report des paiements des charges
patronales. « Vu l’incertitude sur la
reprise éventuelle de Kaupthing, nous allons
préparer une campagne de dons
pour rembourser certains emprunts. »
Bref, les avoirs de l’ASBL se sont transformés
en dettes. Si l’existence de l’association
n’est toutefois pas menacée, sa situation
comptable pourrait bien se compliquer
si Kaupthing est mise en liquidation
faute de reprise.
Le cas des entreprises Y et Z (1) est différent.
Ces deux sociétés soeurs actives
dans l’immobilier bruxellois possèdent
plusieurs comptes chez Kaupthing (six
pour être précis) dont un compte-titres
bien fourni. « Nous avons demandé il y
a trois jours à la banque de transférer
nos avoirs sur un compte tiers, explique
l’administrateur délégué de la société. Si
jamais Kaupthing venait à tomber en
faillite, nous pourrons au moins rapidement
récupérer nos titres », ajoute le patron.
Les deux sociétés immobilières possèdent
par ailleurs des comptes courants.
Le fameux 9 octobre, les montants qui
s’y trouvaient étaient – heureusement –
limités : 800 euros pour la société Y et
9.000 euros pour Z. Le premier cas ne
pose pas de problème, la somme sera intégralement
remboursée par l’AGDL. Le
deuxième cas, par contre, met en évidence
un problème plutôt inattendu…
« Nous avons en effet découvert que
l’AGDL applique des critères spécifiques
pour les comptes de société, explique l’administrateur
délégué. Dans de tels cas,
l’AGDL fait la distinction entre une petite
et une grande entreprise. Elle utilise
trois critères pour faire la distinction :
chiffre d’affaires, total bilantaire et nombre
de personnes employées. Si deux des
trois critères sont réunis, on est considéré
comme une grande entreprise. Pour
ma première société, pas de problème ;
mais la seconde était considérée comme
une grande entreprise, entre autres à
cause du total bilantaire. Et dans l’immobilier,
ça grimpe rapidement. Du
coup, le montant de 9.000 euros n’est
pas garanti. Si Kaupthing n’est pas reprise,
nous perdrons ces 9.000 euros »,
conclut l’administrateur délégué.
Sur les trois banques islandaises établies
à Luxembourg, seul le sort de Kaupthing
reste incertain. Glitnir a été rachetée
par Nordea Bank et Landsbanki a
été déclarée en faillite vendredi. Le
Luxembourg assure qu’une décision interviendra
avant la fin de l’année 2008.
Reste à voir laquelle des deux solutions
l’emportera. ■ PHILIPPE DE BOECK
(1) Noms connus auprès de la rédaction.

Très bon article.
Merci LE SOIR, merci PHILIPPE DE BOECK et merci noeline !

Puissent les 2 dernières lignes de l'article se réaliser et positivement si possible...

Excellent article. Un des plus objectifs et corrects que j'aie lu jusqu'ici !

N'oublions pas ceux de l'écho...

Bon article c'est vrai!

très bon article!