Islande, une faillite dans un îlot
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Islande, une faillite dans un îlot
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Islande, une faillite dans un îlot
Caroline Stevan
Quatre mois après le déclenchement de la crise financière, l’Islande s’enfonce dans la banqueroute. La cohésion de ce pays de 312’000 habitants s’en trouve fortement éprouvée
Reykjavik, banque centrale, tous les matins. Armés de casseroles tonitruantes, quelques dizaines de manifestants essaient mollement d’empêcher les employés de gagner leurs bureaux. Ils semblent mal à l’aise. Les travailleurs rasent les murs ou baissent les yeux lorsqu’ils sont en voiture. Certains attendent que l’attroupement devant leur véhicule se disperse, après quelques minutes, d’autres font demi-tour, gênés. Les hommes de la sécurité avancent parfois en direction du groupe, embarrassés. C’est qu’en Islande, la crise financière ne peut se vivre comme ailleurs. Si la population réclame des têtes, elle ne souhaite pas les désigner trop franchement; le pays compte 312 000 âmes, et tout le monde se connaît.
Après la démission de la moitié du gouvernement fin janvier – officiellement pour raisons de santé – la grogne publique se tourne vers un seul homme: David Oddsson, gouverneur de la banque centrale et premier ministre de 1991 à 2004. C’est après lui qu’en ont les contestataires du petit matin, autant que ceux qui emplissent la place du parlement chaque samedi après-midi. «Oddsson et les conservateurs doivent lâcher le pouvoir, tempête Sigrin Unnsteinsdottir, agrippée à sa pancarte. Ils tiennent le pays depuis dix-huit ans, ce sont eux qui nous ont menés là. Je travaille dans une agence immobilière et je serai licenciée à la fin février. Mon mari, qui est chauffeur de poids lourd, n’a plus que deux ou trois appels par mois. Nous avons quatre enfants.»
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Au cœur de la capitale islandaise, les propos claquent autant que la bise. Björg Sigurdardottir est venue manifester avec son fils. Elle a perdu son emploi, après trente années passées à la banque Kaupthing, un des trois établissements nationalisés en catastrophe début octobre. Ses économies d’une vie ont été emportées dans la débâcle. Son garçon, Sigvardur, n’a – pour l’heure – rien laissé dans la crise, mais il proteste par principe et par anticipation: «Je fais partie des rares personnes à ne pas s’être endettées, aussi je deviens aujourd’hui l’un des types les plus riches de la contrée! Cela dit, nous devrons tous payer pour une poignée d’escrocs.» Les conservateurs, donc, mais surtout les «Nouveaux Vikings», une trentaine d’hommes d’affaires, proches de David Oddsson, qui ont «hérité» des banques après leur privatisation en 2002 et entraîné le pays dans une course folle; le secteur financier a été hypertrophié, et l’Etat rendu bien incapable de le soutenir lors de l’explosion du marché des «subprime».
Oddsson, vilipendé sur les t-shirts des boutiques branchées de Reykjavik, s’accroche à son fauteuil. «Le reste de la bande s’est réfugié à l’étranger, dans les villas chèrement acquises en Grande-Bretagne et sur des îles exotiques», dénonce un Islandais. La nation exige leur retour, sous peine d’explosion sociale. «Nous traversons la fin d’une illusion, analyse Egill Helgasson, animateur du show politique le plus populaire de la télévision nationale. Nous pensions vivre dans une société sans corruption mais l’Etat entier appartenait à la même clique; ils contrôlaient les banques, les médias, le parlement, les tribunaux et tout ce qui a trait au business. Nous pensions vivre dans une société sans violence [l’Islande n’a pas d’armée] et les manifestations de janvier ont été émaillées de heurts inconcevables jusqu’ici.»
L’Islande, donc, se retrouve coupée en deux. Le «bon peuple» d’un côté, les politiciens véreux et les capitalistes éhontés de l’autre. Les journalistes en prennent également pour leur grade, accusés de s’être toujours contentés de relayer le discours officiel. Nombre d’entre eux ont fait leur mea culpa et s’attellent désormais avec ardeur à la chasse aux banquiers. Les employés de la finance ne sont pas officiellement attaqués. «Ils sont des victimes comme nous et les premiers à avoir perdu leur job», admet Agnar, lors d’une réunion de citoyens.
En privé ou de manière anonyme, les langues se délient. Audur, salariée d’une des principales banques islandaises, témoigne. «Des horreurs circulent sur Internet à notre compte, simplement parce que nous travaillons dans ces établissements. On a écrit, par exemple, que je conduisais une voiture à plusieurs millions de couronnes payée par ma société. C’est faux, j’ai un véhicule banal et je l’ai financé moi-même. Les gens nous haïssent. Mes collègues des guichets se font parfois agresser. C’est dur à vivre car nous aussi, nous sommes en colère et nous ne pouvons pas l’exprimer. Je ne peux pas aller dans la rue comme les autres, ni participer au débat public. Comment sortir de cette crise alors que les experts n’ont plus droit à la parole?» Anna, elle non plus, n’a pas accès à la hargne populaire: «Mon frère travaille à la banque centrale. Je ne peux décemment pas aller manifester! Je ne peux même pas lui en vouloir. Difficile de s’indigner sur une île dans la mesure où tout le monde connaît quelqu’un qui a participé à la banqueroute.»
D’autant que chacun, jusqu’à l’implosion finale, a profité de l’expansion fulgurante du pays. Encouragée par les autorités et les taux d’intérêts élevés pratiqués à la banque centrale pour maintenir une couronne forte, la population s’est surendettée. Les gigantesques 4 x 4 qui défient aujourd’hui les routes islandaises en sont la marque la plus visible. «Le problème du capitalisme, c’est que si l’on n’est pas dedans, on est dehors, souligne Einar Mar Gudmundsson, écrivain fameux de la capitale. Chacun, dès lors, a entraîné l’autre. Tout le monde a voulu acheter plus gros que son voisin. Les classes laborieuses ont oublié leur histoire pour se jeter dans la spirale effrénée de la consommation. Nous sommes un peuple de pêcheurs et de paysans, nous aurions dû rester sur nos tracteurs.»
Mais rares sont les Islandais à se remettre aujourd’hui en question. «Plutôt que de nous galvaniser, les responsables auraient dû nous prévenir», regrettent les ménages débiteurs. Les emprunts ont pour la plupart été contractés en monnaies étrangères, yen et franc suisse en tête. La couronne ayant perdu la moitié de sa valeur depuis l’année passée, les dettes ont doublé. «Je n’arrive plus à rembourser les traites de mon appartement, annonce Kolfinna Baldvinsdottir, attablée dans un bistrot couru de Reykjavik. A 38 ans, je suis retournée vivre chez mes parents et j’ai placé mon logement en location. J’ai de la chance, mes enfants sont grands et indépendants. Certaines familles ont dû en placer un ici, l’autre là, faute de pouvoir rester tous ensemble à la maison.»
Si la crise divise la population, elle rassemble aussi les citoyens. Partout, des initiatives fleurissent, des associations se créent. Gunnar Sigurdsson, par exemple, organise des forums mêlant politiciens, quidams et journalistes. «Jusque-là, je passais mon temps chez moi à regarder la télé. Je ne me posais pas de questions. Cette catastrophe m’a réveillé. Pour la première fois, les gens se sentent impliqués.»
Gérard Lemarquis, journaliste et professeur de français à l’Université d’Islande, vit sur l’île depuis près de trente-cinq ans. Il craint que ces unions de circonstance ne survivent pas longtemps. «C’est maintenant que les personnes licenciées à l’automne perdent leurs salaires. Le pays va forcément s’enfoncer dans la crise et le chômage augmenter (environ 7% actuellement). On n’a rien vu encore de la haine ressentie contre ceux qui nous ont tout pris. Les tensions risquent d’être conséquentes. Le plein-emploi confère une liberté extraordinaire aux travailleurs et fait plus pour les droits sociaux que tout un ensemble de régulations. Cette époque est révolue.»
L’augmentation inéluctable des impôts dans un pays pris à la gorge ajoutera à la nervosité. «L’Etat sera amené à couper les budgets des aides sociales, de la santé ou de l’éducation. A ce moment-là, tout risque de dégénérer. La tolérance de la population est devenue extrêmement basse», avertit de son côté le sociologue Stefan Olafsson.
Le profit que certains pourraient réaliser sur le malheur des autres est une autre source de conflit pour les quelque 150 000 habitants de Reykjavik. Rue Laugavegur, l’artère principale de la capitale, quelques boutiques fermées témoignent des difficultés, malgré les bicoques colorées affichant un enthousiasme immuable. Les snacks paraissent avoir subtilisé la plupart des clients des restaurants chics, les manteaux de fourrure datent des hivers précédents, les chantiers sont arrêtés.
Franck Michelsen, lui, manifeste un contentement relatif; il est le seul revendeur Rolex de l’île et n’a jamais livré autant de montres de luxe. «Les gens ne font plus confiance aux banques, et l’Islande ne possède pas d’or. Les seuls investissements fiables restent donc les bijoux et l’horlogerie. Les valeurs monétaires fluctuent sans cesse, le prix des Rolex, lui, ne fait que monter.» Les touristes se précipitent dans le magasin; grâce à la dévaluation de la couronne, les Rolex islandaises sont devenues les plus abordables au monde. Franck Michelsen se défend cependant de faire son beurre grâce à la crise: «Je vends plus, mais moins cher.»
La société Hekla, l’un des principaux fournisseurs de voitures du pays, a de son côté lancé un site internet au mois de novembre afin de revendre à l’étranger les véhicules que les locaux ne peuvent plus rembourser. «Cela nous permet également de vider nos stocks, très importants en Islande, commente Sigurdur Kr. Björnsson, responsable commercial. Mais globalement, personne ne se fait vraiment d’argent par ici, nos chiffres ont chuté. Nous essayons de préserver un maximum d’emplois.»
Le secteur qui profite sans doute le plus de la situation est le tourisme. Pour les étrangers, la pizza ne vaut «plus» que 21 francs et le burger-frites 16 francs, contre le double il y a six mois. Ils sont nombreux à visiter l’île cet hiver, malgré le froid. Les entreprises de pêche y gagnent également; elles paient les marins en couronnes mais cèdent les poissons en yens ou en euros. Et des investisseurs, déjà, prospectent, à la recherche d’entreprises ou de villas à racheter à bon prix.
Le capitalisme, pourtant, n’est plus à la mode. S’il était de bon ton d’afficher ses richesses ces dernières années, les conducteurs de Hummer se font aujourd’hui discrets, les grands voyageurs restent à la maison. «On n’a jamais eu autant d’argent sur notre compte car on n’ose plus dépenser, rigole un habitant du vieux quartier de Reykjavik. On a prévu depuis longtemps un week-end en Europe à Pâques, on doit s’en excuser lorsqu’on en parle!»
Dans le Havamal, sorte de manuel taoïste viking rédigé aux alentours du Xe siècle, la sagesse prévenait déjà: «Les richesses se perdent. Les lignées s’éteignent et les hommes meurent de même façon. Mais jamais ne périssent estime et renom, la réputation de ceux qui l’ont bonne.» L’année passée, l’Islande avait obtenu la meilleure note des Nations unies au classement planétaire du niveau de vie.
Islande, une faillite dans un îlot
Caroline Stevan
Quatre mois après le déclenchement de la crise financière, l’Islande s’enfonce dans la banqueroute. La cohésion de ce pays de 312’000 habitants s’en trouve fortement éprouvée
Reykjavik, banque centrale, tous les matins. Armés de casseroles tonitruantes, quelques dizaines de manifestants essaient mollement d’empêcher les employés de gagner leurs bureaux. Ils semblent mal à l’aise. Les travailleurs rasent les murs ou baissent les yeux lorsqu’ils sont en voiture. Certains attendent que l’attroupement devant leur véhicule se disperse, après quelques minutes, d’autres font demi-tour, gênés. Les hommes de la sécurité avancent parfois en direction du groupe, embarrassés. C’est qu’en Islande, la crise financière ne peut se vivre comme ailleurs. Si la population réclame des têtes, elle ne souhaite pas les désigner trop franchement; le pays compte 312 000 âmes, et tout le monde se connaît.
Après la démission de la moitié du gouvernement fin janvier – officiellement pour raisons de santé – la grogne publique se tourne vers un seul homme: David Oddsson, gouverneur de la banque centrale et premier ministre de 1991 à 2004. C’est après lui qu’en ont les contestataires du petit matin, autant que ceux qui emplissent la place du parlement chaque samedi après-midi. «Oddsson et les conservateurs doivent lâcher le pouvoir, tempête Sigrin Unnsteinsdottir, agrippée à sa pancarte. Ils tiennent le pays depuis dix-huit ans, ce sont eux qui nous ont menés là. Je travaille dans une agence immobilière et je serai licenciée à la fin février. Mon mari, qui est chauffeur de poids lourd, n’a plus que deux ou trois appels par mois. Nous avons quatre enfants.»
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Au cœur de la capitale islandaise, les propos claquent autant que la bise. Björg Sigurdardottir est venue manifester avec son fils. Elle a perdu son emploi, après trente années passées à la banque Kaupthing, un des trois établissements nationalisés en catastrophe début octobre. Ses économies d’une vie ont été emportées dans la débâcle. Son garçon, Sigvardur, n’a – pour l’heure – rien laissé dans la crise, mais il proteste par principe et par anticipation: «Je fais partie des rares personnes à ne pas s’être endettées, aussi je deviens aujourd’hui l’un des types les plus riches de la contrée! Cela dit, nous devrons tous payer pour une poignée d’escrocs.» Les conservateurs, donc, mais surtout les «Nouveaux Vikings», une trentaine d’hommes d’affaires, proches de David Oddsson, qui ont «hérité» des banques après leur privatisation en 2002 et entraîné le pays dans une course folle; le secteur financier a été hypertrophié, et l’Etat rendu bien incapable de le soutenir lors de l’explosion du marché des «subprime».
Oddsson, vilipendé sur les t-shirts des boutiques branchées de Reykjavik, s’accroche à son fauteuil. «Le reste de la bande s’est réfugié à l’étranger, dans les villas chèrement acquises en Grande-Bretagne et sur des îles exotiques», dénonce un Islandais. La nation exige leur retour, sous peine d’explosion sociale. «Nous traversons la fin d’une illusion, analyse Egill Helgasson, animateur du show politique le plus populaire de la télévision nationale. Nous pensions vivre dans une société sans corruption mais l’Etat entier appartenait à la même clique; ils contrôlaient les banques, les médias, le parlement, les tribunaux et tout ce qui a trait au business. Nous pensions vivre dans une société sans violence [l’Islande n’a pas d’armée] et les manifestations de janvier ont été émaillées de heurts inconcevables jusqu’ici.»
L’Islande, donc, se retrouve coupée en deux. Le «bon peuple» d’un côté, les politiciens véreux et les capitalistes éhontés de l’autre. Les journalistes en prennent également pour leur grade, accusés de s’être toujours contentés de relayer le discours officiel. Nombre d’entre eux ont fait leur mea culpa et s’attellent désormais avec ardeur à la chasse aux banquiers. Les employés de la finance ne sont pas officiellement attaqués. «Ils sont des victimes comme nous et les premiers à avoir perdu leur job», admet Agnar, lors d’une réunion de citoyens.
En privé ou de manière anonyme, les langues se délient. Audur, salariée d’une des principales banques islandaises, témoigne. «Des horreurs circulent sur Internet à notre compte, simplement parce que nous travaillons dans ces établissements. On a écrit, par exemple, que je conduisais une voiture à plusieurs millions de couronnes payée par ma société. C’est faux, j’ai un véhicule banal et je l’ai financé moi-même. Les gens nous haïssent. Mes collègues des guichets se font parfois agresser. C’est dur à vivre car nous aussi, nous sommes en colère et nous ne pouvons pas l’exprimer. Je ne peux pas aller dans la rue comme les autres, ni participer au débat public. Comment sortir de cette crise alors que les experts n’ont plus droit à la parole?» Anna, elle non plus, n’a pas accès à la hargne populaire: «Mon frère travaille à la banque centrale. Je ne peux décemment pas aller manifester! Je ne peux même pas lui en vouloir. Difficile de s’indigner sur une île dans la mesure où tout le monde connaît quelqu’un qui a participé à la banqueroute.»
D’autant que chacun, jusqu’à l’implosion finale, a profité de l’expansion fulgurante du pays. Encouragée par les autorités et les taux d’intérêts élevés pratiqués à la banque centrale pour maintenir une couronne forte, la population s’est surendettée. Les gigantesques 4 x 4 qui défient aujourd’hui les routes islandaises en sont la marque la plus visible. «Le problème du capitalisme, c’est que si l’on n’est pas dedans, on est dehors, souligne Einar Mar Gudmundsson, écrivain fameux de la capitale. Chacun, dès lors, a entraîné l’autre. Tout le monde a voulu acheter plus gros que son voisin. Les classes laborieuses ont oublié leur histoire pour se jeter dans la spirale effrénée de la consommation. Nous sommes un peuple de pêcheurs et de paysans, nous aurions dû rester sur nos tracteurs.»
Mais rares sont les Islandais à se remettre aujourd’hui en question. «Plutôt que de nous galvaniser, les responsables auraient dû nous prévenir», regrettent les ménages débiteurs. Les emprunts ont pour la plupart été contractés en monnaies étrangères, yen et franc suisse en tête. La couronne ayant perdu la moitié de sa valeur depuis l’année passée, les dettes ont doublé. «Je n’arrive plus à rembourser les traites de mon appartement, annonce Kolfinna Baldvinsdottir, attablée dans un bistrot couru de Reykjavik. A 38 ans, je suis retournée vivre chez mes parents et j’ai placé mon logement en location. J’ai de la chance, mes enfants sont grands et indépendants. Certaines familles ont dû en placer un ici, l’autre là, faute de pouvoir rester tous ensemble à la maison.»
Si la crise divise la population, elle rassemble aussi les citoyens. Partout, des initiatives fleurissent, des associations se créent. Gunnar Sigurdsson, par exemple, organise des forums mêlant politiciens, quidams et journalistes. «Jusque-là, je passais mon temps chez moi à regarder la télé. Je ne me posais pas de questions. Cette catastrophe m’a réveillé. Pour la première fois, les gens se sentent impliqués.»
Gérard Lemarquis, journaliste et professeur de français à l’Université d’Islande, vit sur l’île depuis près de trente-cinq ans. Il craint que ces unions de circonstance ne survivent pas longtemps. «C’est maintenant que les personnes licenciées à l’automne perdent leurs salaires. Le pays va forcément s’enfoncer dans la crise et le chômage augmenter (environ 7% actuellement). On n’a rien vu encore de la haine ressentie contre ceux qui nous ont tout pris. Les tensions risquent d’être conséquentes. Le plein-emploi confère une liberté extraordinaire aux travailleurs et fait plus pour les droits sociaux que tout un ensemble de régulations. Cette époque est révolue.»
L’augmentation inéluctable des impôts dans un pays pris à la gorge ajoutera à la nervosité. «L’Etat sera amené à couper les budgets des aides sociales, de la santé ou de l’éducation. A ce moment-là, tout risque de dégénérer. La tolérance de la population est devenue extrêmement basse», avertit de son côté le sociologue Stefan Olafsson.
Le profit que certains pourraient réaliser sur le malheur des autres est une autre source de conflit pour les quelque 150 000 habitants de Reykjavik. Rue Laugavegur, l’artère principale de la capitale, quelques boutiques fermées témoignent des difficultés, malgré les bicoques colorées affichant un enthousiasme immuable. Les snacks paraissent avoir subtilisé la plupart des clients des restaurants chics, les manteaux de fourrure datent des hivers précédents, les chantiers sont arrêtés.
Franck Michelsen, lui, manifeste un contentement relatif; il est le seul revendeur Rolex de l’île et n’a jamais livré autant de montres de luxe. «Les gens ne font plus confiance aux banques, et l’Islande ne possède pas d’or. Les seuls investissements fiables restent donc les bijoux et l’horlogerie. Les valeurs monétaires fluctuent sans cesse, le prix des Rolex, lui, ne fait que monter.» Les touristes se précipitent dans le magasin; grâce à la dévaluation de la couronne, les Rolex islandaises sont devenues les plus abordables au monde. Franck Michelsen se défend cependant de faire son beurre grâce à la crise: «Je vends plus, mais moins cher.»
La société Hekla, l’un des principaux fournisseurs de voitures du pays, a de son côté lancé un site internet au mois de novembre afin de revendre à l’étranger les véhicules que les locaux ne peuvent plus rembourser. «Cela nous permet également de vider nos stocks, très importants en Islande, commente Sigurdur Kr. Björnsson, responsable commercial. Mais globalement, personne ne se fait vraiment d’argent par ici, nos chiffres ont chuté. Nous essayons de préserver un maximum d’emplois.»
Le secteur qui profite sans doute le plus de la situation est le tourisme. Pour les étrangers, la pizza ne vaut «plus» que 21 francs et le burger-frites 16 francs, contre le double il y a six mois. Ils sont nombreux à visiter l’île cet hiver, malgré le froid. Les entreprises de pêche y gagnent également; elles paient les marins en couronnes mais cèdent les poissons en yens ou en euros. Et des investisseurs, déjà, prospectent, à la recherche d’entreprises ou de villas à racheter à bon prix.
Le capitalisme, pourtant, n’est plus à la mode. S’il était de bon ton d’afficher ses richesses ces dernières années, les conducteurs de Hummer se font aujourd’hui discrets, les grands voyageurs restent à la maison. «On n’a jamais eu autant d’argent sur notre compte car on n’ose plus dépenser, rigole un habitant du vieux quartier de Reykjavik. On a prévu depuis longtemps un week-end en Europe à Pâques, on doit s’en excuser lorsqu’on en parle!»
Dans le Havamal, sorte de manuel taoïste viking rédigé aux alentours du Xe siècle, la sagesse prévenait déjà: «Les richesses se perdent. Les lignées s’éteignent et les hommes meurent de même façon. Mais jamais ne périssent estime et renom, la réputation de ceux qui l’ont bonne.» L’année passée, l’Islande avait obtenu la meilleure note des Nations unies au classement planétaire du niveau de vie.
Invité- Invité
Re: Islande, une faillite dans un îlot
l'apocalypse en islande,à qui le tour?
françois Tamo- Nombre de messages : 52
Date d'inscription : 13/10/2008
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